« D'abord il y eut Chaos, l'immensurable abîme,
Violent comme une mer, sombre, prodigue, sauvage. »
MiltonVoilà, en gros, comment les Grecs voyaient à la base, l'univers. Rien n'existait que le
Chaos (le Néant) sur lequel planait l'obscurité éternelle. Enfin - on ne s'explique pas comment - naquit
Nyx (la Nuit), fille de Chaos,
Érèbe (les Ténèbres),
Gaia (la Terre) et
Tartare (personnification du lieu le plus bas des Enfers). Selon Hésiode, Nyx enfanta seule :
-
Apaté (la Tromperie) ;
-
Charon (le nocher des Enfers) ;
-
Dolos (la Ruse) ;
-
Éris (la Discorde), aussi dite sœur d'Arès ;
-
Géras (la Vieillesse) ;
- les
Kères (divinités infernales qui hantaient les champs de bataille et s'abreuvaient du sang des morts) ;
-
Lyssa (la Colère), nommée Lytta par les Athéniens ;
-
Moïra (la Destinée) ;
- les
Moires (divinités du Destin implacable), parfois identifiées comme filles de Moïra ;
-
Momos (la Raillerie) ;
-
Moros (le Sort) ;
-
Némésis (la Vengeance) et
Aidos (la Pudeur et le Respect), étroitement associée à Némésis ;
- les
Oneiroi (les Songes), au nombre de mille dont on connaît seulement le nom de trois d'entre eux :
Morphée (la Forme),
Phobétor (l'Effrayant)
ou Icélos (le Semblable) et
Phantasos (l'Apparition) ;
-
Philotès (l'Amour sexuel) ;
- les jumeaux
Thanatos (la Mort) et
Hypnos (le Sommeil).
Avec Érèbe, elle engendra
Éther (la Lumière céleste) et
Héméra ou Héméré (la Lumière terrestre, autrement dit, le Jour) qui ensemble engendrèrent à leur tour
Thalassa (la Mer).
Alors, une chose merveilleuse arriva. De Nyx et de Érèbe naquit
Éros (l'Amour) et
Himéros (le Désir) et dès sa naissance l'ordre et la beauté remplacèrent la confusion aveugle.
Le poète comique Aristophane nous décrit sa venue par ces mots :
La Nuit aux ailes noires
Déposa un œuf né du vent
Dans le sein du sombre et profond Érèbe.
Et tandis que passaient les saisons,
Vint celui que tout attendait,
L'Amour aux ailes d'or étincelantes.Gaia enfanta ensuite
Ouranos (le Ciel étoilé),
Ouréa (les Montagnes) et
Pontos (les Flots). Hésiode, qui cherchait le comment et le pourquoi des choses, écrivit :
La Terre, la toute belle aux seins épanouis,
Se leva, elle qui est la base inébranlable
De toutes choses. Et la blonde Terre mit d'abord au monde
Le Ciel étoilé, son égal,
Afin qu'il la recouvrît de tous côtés et devînt
La demeure éternelle des dieux immortels.Gaia et Ouranos engendrèrent ensuite les premières créatures auxquelles on accorda l'apparence de la vie. Les Grecs croyaient - comme nous actuellement - que la Terre avait été jadis peuplée de créatures étranges et gigantesques. Seulement, pour eux, ce n'était pas d'énormes lézards, mais plutôt comme des « hommes inhumains » :
- Dotés d'une taille et d'une force monstrueuse, les
Hécatonchires ou Centimanes avaient chacun cent mains et cinquante têtes. Ils étaient au nombre de trois et se nommaient respectivement
Cottos,
Gyès ou Gygès et
Briarée ou Égéon ;
- Trois autres, aussi grands qu'une montagne chacun et doués d'une force dévastatrice, n'ayant chacun qu'un œil aussi grand qu'une roue au milieu du front, reçurent le nom de
Cyclopes (de
cuclos, cuclou, le cercle, et de
ops, opsis, le regard). Ils s'appelaient
Brontès (le Tonnerre),
Stéropès (l'Éclair) et
Argès (la Foudre) ;
- Enfin vinrent les
Titans (Coéos, Crios, Cronos, Hypérion, Japet et Océan) et leurs homologues féminins, les
Titanides (Mnémosyne, Phébé, Rhéa, Théia, Thémis et Thétys).
Ouranos, le Ciel étoilé, haïssait ses enfants, les Hécatonchires, si bien que, chaque fois que l'un d'entre eux naissait, il l'enfermait dans un lieu secret, au centre de la Terre. Gaia, furieuse, appela à l'aide ses enfants les Titans et les Cyclopes, restés libres. Un seul osa répondre à l'appel,
Cronos le Titan. Il tendit un piège à son père et trancha ses organes génitaux.
Du sang d'Ouranos naquirent :
- les
Géants (Agasthène, Agrios, Alcyonée, Alpos, Aristée, Astraéos, Chthonios, Clytios, Coéos, Damysos, Égéon, Emphytos, Encelade, Éphialtès, Euboée, Euphorbe, Euryale, Eurymédon, Eurytos, Gration, Hippolyte, Hoplodamos, Hyperbios, Japet, Léon, Mélissée, Mimas, Mimon, Molios, Mylinos, Olympos, Otos, Ouranion, Pallas, Pancratès, Pélorée, Phœtios, Polybotès, Porphyrion, Rhœcos, Sycée, Théodamas, Théomisès, Thoas et Typhée) ;
- les
Érinyes (les Furies des Romains), déesses persécutrices. De nouveau trois, elles se nommaient
Tisiphone (la Vengeance),
Mégère (la Haine) et
Alecto (l'Implacable). Plus tard, lorsqu'Athéna, déesse de la sagesse guerrière, obtint d'elles qu'elles devinssent des divinités protectrices d'Athènes sous le rôle de gardiennes de la justice, elles prirent le nom d'
Euménides (les Bienveillantes) ;
- les
Méliades ou Mélies ou encore nymphes méliennes, nymphes des frênes. Elles protègent les enfants et les troupeaux qui s'abritent sous leurs branches.
Hécatonchires et Cyclopes furent finalement chassés et précipités dans le Tartare, surveillé par Campé, le monstre avec un corps de femme recouvert d'écailles sur le bas, une chevelure hérissée de serpents venimeux et un scorpion se déplaçant sur ses épaules. Les Érinyes, elles, ne pouvaient être chassée de la Terre : tant qu'il y aurait péchés sur la Terre, elles y demeureraient.
Après avoir renversé son père,
Cronos (Saturne chez les Romains) régna sur l'univers avec
Rhéa (Ops en latin), son épouse-sœur. Cronos, ayant appris qu'un jour, l'un de ses enfants le détrônerait, jugea nécessaire d'exiger de Rhéa chaque nouveau-né qu'il avalait immédiatement. Cependant, Rhéa réussit à soustraire
Zeus, son sixième enfant, à la sagacité de Cronos et lui offrit à la place une grande pierre enveloppée de linge, que ce dernier s'empressa d'avaler, la prenant visiblement pour le bébé.
Plus tard, Zeus, aidé de sa grand-mère la Terre, se rebella et força son père à recracher ladite pierre ainsi que les cinq autres enfants et elle fut déposée à Delphes, où beaucoup plus tard un grand voyageur nommé Pausanias dit l'avoir vue : « Une pierre de dimension réduite que les prêtre de Delphes oignent chaque année. »
Alors ce fut la guerre, avec d'un côté, Cronos aidé de ses frères les Titans (installés sur le mont Othrys), et de l'autre, Zeus secondé par ses cinq frères et sœurs (Hestia, Déméter, Héra, Hadès et Poséidon), les Hécatonchires libérés et
Prométhée, fils du Titan
Japet (installés sur le mont Olympe).
Un horrible fracas troublait la mer sans limite.
La terre entière fit entendre un grand cri.
Bouleversé, le ciel immense gémit de douleur.
Le lointain Olympe chancela sous la ruée des dieux immortels
Et le sombre Tartare fut saisi de terreur.Les dieux vainquirent les Titans (après dix grandes années divines, soit plusieurs siècles humains) grâce aux armes forgées par les Cyclopes : le foudre pour Zeus, le trident pour Poséidon et la kunée pour Hadès, casque rendant ombre et donc invisible la personne le portant.
Les vaincus subirent des sorts horribles : Cronos ainsi que tous les Titans à l'exception d'Océan, allié de Zeus, furent précipités dans le Tartare et Atlas, fils de Japet et frère de Prométhée, fut condamné à :
... Porter éternellement sur son dos
La voûte du ciel et le poids écrasant du monde ;
Et sur ses épaules, fardeau difficile à soutenir,
Le haut pilier qui sépare le ciel de la terre.Malheureusement, la victoire des dieux n'était pas encore complète, car la Terre mit au monde un dernier rejeton,
Typhon.
Un monstre flamboyant surmonté de cent têtes
Qui se dressa contre tous les dieux.
La mort sifflait entre ses mâchoires hideuses
Et ses yeux jetaient des éclairs aveuglants.Zeus, devenu maître du tonnerre et de la foudre, ses armes personnelles, terrassa Typhon à l'aide de :
... l'éclair qui jamais ne s'endort
Et du tonnerre à l'haleine embrasée.
Et le feu consuma même le cœur de Typhon,
Sa force fut réduite en cendres.
Il gît à présent comme une chose inutile
Tout près de l'Etna, d'où parfois jaillissent
Des rivières de feu qui dévorent de leurs mâchoires redoutables
Les champs étagés de la Sicile, tout parés de leurs fruits.Mais Gaia, outrée que ses enfants aient subit de tels sorts, envoya ses fils combattre les dieux olympiens. Zeus s'unit alors à
Alcmène (fille d'Électryon et épouse d'Amphitryon) et engendra
Héraclès (équivalent de l'Hercule des Romains). Pour contre-attaquer, Gaia fit pousser une herbe qui rendit ses enfants invisibles aux yeux des humains et immortels à leurs coups.
Pour connaître les détails de l'affrontement, rendez-vous ici.
Et cette fois, la victoire des puissances célestes sur les forces brutales de la Terre fut complète.
Source : texte créé à partir des livres «
La mythologie » d'Edith Hamilton (>>
couverture) et «
Des légendes et des mythes, petit larousse illustré » de Philip Wilkinson (>>
couverture), retravaillé avec Wikipédia.